![]() |
Sermon du : 2020/02/28 Lieu : Mosquée Tawhid - Halluin Thème du Sermon : Le mauvais soupçon et l’espionnage
|
Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
O musulmans !
Allah taala a dit:
(Ô vous qui avez cru! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe: ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes: celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que «perversion» lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas... Ceux-là sont les injustes. Ô vous qui avez cru! Evitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché.)
Nous avons parlé, dans les prêches précédents, du mal de la moquerie, du dénigrement et des surnoms injurieux, et nous allons continuer aujourd’hui, si Allah nous le permet, de parler d’autres points qui font partie des ordres et interdits cités dans la sourate al houjourate (les appartements) afin d’établir une société saine.
Nous citons donc aujourd’hui le quatrième interdit cité dans ces nobles versets : le mauvais soupçon envers le musulman. Cela, car l’islam veut s’assurer de la stabilité de sa communauté et de la pureté des âmes, et ainsi éviter que les doutes et les soupçons s’y installent. Allah dit :
(Ô vous qui avez cru! Evitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché)
Allah a donné l’ordre d’éviter de trop conjecturer au risque de tomber dans le péché et la conjecture dont on parle ici, c’est la méfiance et la suspicion envers le musulman. Il n’est pas permis au musulman d’avoir des suspicions concernant son frère musulman, sans raison valable, ni preuve manifeste. L’imam Az-Zurquani (rh) a dit : « Le soupçon vient d’une accusation que l'on ressent dans le cœur sans aucune preuve. »
Et il a été rapporté de ‘Omar ibn Al-Khattab cette parole : « Ne porte pas de mauvais soupçon sur les mots qui sortent de la bouche de ton frère musulman alors que tu peux lui donner une bonne interprétation. »
Ne porte pas de soupçon sur les mots qui sortent de la bouche de ton frère tant que tu le pourras et que tu puisses y trouver une interprétation dans le bien et une issue favorable. Ceci car l’homme est innocent de nature et il n’est pas permis d’avoir une mauvaise opinion de lui et de remettre en cause cette innocence pour le rendre coupable.
L’imam Al-Qortobi (rh) a dit dans son Tafsir : « Nombreux sont les savants qui s’accordent à dire que le mauvais soupçon, celui qui est interdit, c'est la méfiance qu'on éprouve envers quelqu'un qui d'apparence est bon. Et il n’y a pas de mal à avoir une mauvaise opinion sur celui qui d’apparence est mauvais, car celui qui fait un mal en l’affichant, en manifestant sa perversité, et qui n’a pas de tabou, la base pour lui c’est qu’il est coupable, pour son manque de pratique religieuse et pour son impudence, sauf s’il se repend et s’écarte de ses péchés alors à ce moment-là c’est la bonne opinion qui prime. »
Et l’imam Al-Bukhari rapporte dans son authentique cette parole du prophète saws : « Méfiez-vous du soupçon, car vraiment le soupçon est la parole la plus mensongère. »
Le soupçon c'est-à-dire le fait d’accuser une personne sans argument ni preuve manifeste. Ici le soupçon a été décrit par « la parole la plus mensongère ». Cela montre que le soupçon qui est interdit c'est celui qui consiste à accuser en ne se basant sur rien de fondé et pourtant on en fera une preuve et une référence dans l'accusation. Le soupçon est donc pire que le mensonge, car à la base le mensonge est une chose détestable, répréhensible, tous les gens le répugne et le renie. A l’inverse, le soupçon, selon celui qui le profère, est basé sur quelque chose de faux dans son esprit , il s’appuie sur ses allégations. Il est d’ailleurs qualifié de « plus grand mensonge » pour son vice à outrance, et pour montrer qu’il est pire que le mensonge classique. En effet le mauvais soupçon est un mensonge caché alors que le mensonge classique est apparent.
L’homme, de par sa fragilité, et sa nature faible, ne peut rester infaillible et ne peut être à l'abri face aux soupçons et particulièrement quand cela concerne les personnes avec qui il est en de mauvais termes. Mais il est de son devoir de ne pas se soumettre à cette tentation et de ne pas être dupe face à ses allusions. C’est ce qui est rapporté dans un récit, malgré une faiblesse dans sa chaine de transmission, d’après Al-haritha ibn nu3man, le prophète (saws) a dit : « Trois choses sont proscrites pour ma communauté : le mauvais augure, la jalousie et la mauvaise présomption. Un homme dit alors : « et celui qui en est touché que doit-il faire pour les éliminer ô messager d’Allah ? » et il répondit(saws) : Si tu éprouves de la jalousie alors demande pardon à Allah, si tu as quelques mauvais soupçons ne cherche pas à le vérifier, et si tu pressens un mauvais augure ne revient pas sur tes pas. »
Ô musulmans !
La législation islamique est venue pour mettre un terme au mal et aux éléments qui apportent la division et la perversité entre les gens. La législation est là pour fermer toutes les portes qui amènent l’animosité et la haine, et pour faire taire les langues qui offensent les dignités. Aucun propos diffamatoire n’est accepté sans un témoignage irrécusable. Par exemple, l'accusation de fornication ou d'adultère ne sont acceptés que si l'accusateur a vu quelqu’un le commettre en flagrant délit, sans confusion ni ambiguïté, et si ce n’est pas le cas alors le châtiment pour cet accusateur sera de recevoir 80 coups de fouets sur son dos. Prenons exemple sur l’épisode de la calomnie sur la femme du prophète Aisha (ra), lorsque des gens parlèrent en offensant sa dignité et en l’accusant. Concernant ceux qui débâtirent à son sujet, le prophète (saws) leur affligea le châtiment lorsque le verset fut révélé. Parmi eux, Hassan ibn thabit, Mistah et Hamnat binto Jahch, ils font partie des vertueux croyants, mais comme ils participèrent, alors le prophète (saws) leur infligea le châtiment. Allah taala a dit :
(Pourquoi, lorsque vous l'avez entendue [cette calomnie], les croyants et les croyantes n'ont-ils pas, en eux-mêmes, conjecturé favorablement, et n'ont-ils pas dit : "C'est une calomnie évidente?")
Un jour, un homme vint au prophète (saws) car il avait des doutes concernant son épouse, il était plein de conjectures la concernant. Pourquoi ? Car elle venait d’enfanter un bébé de couleur noir, alors que ni elle ni lui ne le sont (ils sont de peau blanche tous les deux). Le prophète (saws) voulut lui enlever ses suspicions en lui posant une question sur la couleur de ses dromadaires. Le prophète (saws) dit : « De quelle couleur sont-ils ? »
Il répondit :« Ils sont marrons »
« N’en as-tu pas un gris-beige ? » demanda le prophète.
« Si »
« Et d’où lui vient cette couleur ? » dit le prophète.
L’homme répondit :« Je pense qu’il l’a héritée d’un de ses ancêtres, il est possible qu’un d’entre eux ait été gris-beige »
« Ainsi en est-il de ton fils ! Il a dû hériter sa couleur d’un de ses ancêtres » conclut le prophète (saws).
L’homme en question avait de l’expérience et connaissait les facteurs héréditaires qui transitaient chez les animaux. Et c’est pareil pour l’homme, il peut hériter de ses ancêtres plusieurs traits et parmi-eux la couleur. Et donc le prophète (saws) voulait montrer au bédouin que ce qui est valable chez l’animal l’est aussi pour l’homme.
O musulmans !
Il est du devoir de tout musulman de ne se nourrir que de bonnes pensées à l’égard de son frère. Et si un soupçon le concernant envahit son cœur, il lui est alors interdit d’œuvrer pour confirmer ses doutes. Il ne doit pas l'espionner, ni parler sur son dos. Et s’il ne fait rien malgré les suspicions, il ne dit rien de mauvais et ne fait rien de mal, cette mauvaise opinion qu'il a dans son cœur lui sera pardonnée pour ne pas l’avoir traduit par des dires ou des gestes et parce qu'il lui est impossible de repousser ces mauvais sentiments de son cœur. En effet c’est Allah qui possède les cœurs. Soufyane athawri a dit : « il y a deux sortes de suspicion, une suspicion dans laquelle il y a un mal, et une autre dans laquelle il n’y a aucun mal .Quant à la suspicion dans laquelle il y a un mal, c’est celle qu’on entretient.. (C’est-à-dire il y a des soupçons, exempts de mal, mais à force d’en discuter, les gens en parlent comme-ci c’était la réalité.) Quant à la suspicion dans laquelle il n’y a aucun mal, c’est celle que l’on n’entretient pas. » (C’est-à-dire, un soupçon qui nous envahi, mais on n’y prête pas attention, il n’y a pas de mal à cela).
Il incombe au musulman, lorsqu’il entend du mal à propos de son frère, de chasser de son esprit toute mauvaise présomption à son égard et de ne nourrir que de bonnes pensées envers lui. Personne ne connaît les secrets du cœur hormis Le Connaisseur de L’Invisible. Il ne t’es donc pas permis de penser du mal d’autrui, sauf si le mal est manifeste, et s’il n’y a aucune autre interprétation à faire, et dans ce cas-là, il ne t’es possible que de croire à ce que tu sais fermement et ce dont tu as vu. Et si tu n’a rien vu clairement de tes yeux, ou que tu n’as rien entendu de tes oreilles, puis cela a atteint ton cœur, alors c’est le diable qui te l’a insinué. Tu te dois donc de le contredire, car c’est le pire des pervers ; Allah taala a dit :
(Ô vous qui avez cru! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair [de crainte] que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait.)
Ici le pervers ce n’est pas juste l’homme, mais cela peut aussi être le diable qui insuffle à l’homme, car c’est le pire des pervers. Et si ton soupçon sur un frère provient d’une parole qui t’es parvenue, il est nécessaire de ne pas la confirmer sans une preuve manifeste. Et celui qui répand la rumeur parmi les gens est un calomniateur ou un médisant. Il est donc un pervers, et les paroles du pervers ne sont pas agrées, il est obligatoire de les abroger. Sa’id ibn musayib (rh) a dit : « Certains de mes frères parmi les compagnons du prophète (saws) m’ont écrit cela "mets l'affaire de ton frère dans la meilleure position tant que ne vient pas ce qui te vaincra (une preuve qu'il est vraiment mauvais) et ne pense pas de mal d'une parole prononcée par ton frère alors que tu lui trouves une bonne interprétation ».
2eme partie
Ô musulman !
Le 5ème interdit citée dans ces nobles versets est l'espionnage. Allah a dit :
( et ne vous espionnez pas les uns les autres)
L'espionnage est fortement lié à la mauvaise présomption. Ceci car le manque de confiance en l’autre amène à la pratique d'un mauvais acte intérieur qui est la mauvaise présomption. Comme il mène à la pratique d'un mauvais acte extérieur qui est l'espionnage. L’islam forme sa communauté autant sur ce qui est apparent que sur ce qui est caché. Et c’est pour cette raison que l’islam associa l’interdiction de la mauvaise présomption à celle de l'espionnage. En effet la plupart du temps l’un entraîne l’autre. Chaque homme a une sacralité et il n'est permis à personne de le salir en conjecturant à son propos, en recherchant ses défauts, et ceci même s’il a un défaut qui le caractérise tant qu’il le fait de manière caché. Il a été rapporté par Abu Daoud et d’autre avec une chaîne de transmission authentique, selon Abi Haytham d’après Boukhaynin le scribe de ‘Oqba Ibn ‘Amir qui était un compagnon qu’il a dit : « J’ai dit à ’Oqba : «Nous avons des voisins qui boivent de l’alcool et j’ai l’intention d’appeler la police pour qu’il les arrêtent ». ‘Oqba lui dit: « Ne le fais pas, mais plutôt exhortes-les, intimides-les ». Boukhaynin répondit : « Je leur ai interdit mais ils n’ont pas arrêté, je vais donc appeler la police pour qu’il les arrêtent ». ‘Oqba lui dit alors : « Malheurs à toi ! Ne le fais pas ! J’ai entendu le prophète (saws) dire : « Celui qui cache les défauts de son frère est comparable à celui qui a sauvé la vie d’une fillette qui devait être enterré vivante. »
Le fait de chercher les défauts et les faiblesses de son frère est une caractéristique de l’hypocrite, ils disent « nous avons la foi » avec leur bouche mais leur cœur n’en fait rien. Et ils portent en eux un lourd fardeau sur une multitude de gens. L’imam Tirmidhi et d’autres ont rapportés, selon Ibn ‘Omar : Le prophète (saws) monta le minbar, il appela d’une voix haute et dit : « Ô ceux qui ont cru avec la bouche alors que la foi n’a pas atteint le cœur,(Il parle des hypocrites) ! Ne nuisez pas aux musulmans et ne suivez pas leurs défauts ! Celui qui suit les défauts de son frère musulman, Allah suivra les siens. Et celui dont Allah suit ses erreurs, Il les dévoilera au grand jour, même ceux qu'il a commis seul dans sa demeure. »
Toujours parmi les raisons de préserver les défauts des gens, le Prophète (saws) a sciemment interdit qu’une personne regarde à l’intérieur d’une demeure sans la permission de son propriétaire. Il a été rapporté par Al-Bukhari, selon Abou Houreyra, que le prophète (saws) a dit : "Celui qui regarde ce qui se passe dans une maison sans l'autorisation de ses habitants, il est permis à ces derniers de lui crever l'œil" et dans autre version : " Si jamais quelqu'un regarde dans ta maison sans ta permission et que tu lui lances une pierre qui lui crève l'œil, tu n'encours aucune peine en conséquence ".
Et comme l’islam a interdit l'espionnage et le fait de suivre les défauts des gens, il a aussi interdit le fait d’écouter les conversations des gens sans leur accord. Il est donc formellement interdit d’écouter une conversation sans l’accord explicite et sans que les personnes sachent clairement qu’elles sont écoutés. Il a été rapporté par Al-Bukhari, selon Ibn ‘Abbas, que le prophète (saws) a dit : "A celui qui écoute la conversation des autres contre leur gré, on lui versera du plomb fondu dans ses deux oreilles le jour de la Résurrection."
Pour finir, tous les textes interdisant l'espionnage et la recherche des défauts d'autrui s'appliquent à tout le monde, qu'ils soient gouvernants ou gouvernés. Abu Daoud rapporte selon Mu’awiyya que le prophète (saws) a dit : "Lorsque tu cherches les défauts des gens, tu les a déjà corrompus ou presque."
Certains disent, que l'espionnage permet de préserver la stabilité. Le fait de dévoiler les défauts au su et au vu de tous contribuerai à la stabilité. Mais là le prophète (saws) dit : « Quand tu cherches les défauts des gens, tu les a déjà corrompus ou presque » c'est-à-dire, un état dans laquelle sont répandues les moyens de communication, la propagande, ceux qui suivent les défauts des gens et espionnent leurs propos, dans leurs affaires, leurs réunions, leurs entrées et leurs sorties comme il est d’usage dans les dictatures, ils gouvernent leur peuple avec le feu et le fer. Le prophète (saws) nous montre que cette manière d’agir est une cause pour la perversion des gens et pour la rébellion. Donc le fait de suivre les défauts des gens ne fait que les corrompre d’autant plus et provoque l’effet inverse en les rendant pervers et rebelle contre l’autorité.